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Petit abrégé d’urbanisme à l’usage de ceux qui souhaitent y voir plus clair.

Quelles conséquences pour la communauté d’agglomération Gap-Tallard-Durance de quitter le SCOT ?

REPÈRES

En 2000, la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) transforme : 

> Le POS (Plan d’Occupation des Sols) en PLU (Plan Local d’Urbanisme),

> Le SDAU (Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) en SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale).

Des finalités similaires, mais des processus d’élaboration différents car on passe de documents gérant presque uniquement le droit des sols (distribution de droit à bâtir) à des documents de projet. Instauration de procédures de concertation avec la population sans pour autant encadrer sa mise en œuvre. Introduction du développement durable comme principe directeur avec notamment l’apparition de la notion de “gestion économe de l’espace » (utilisation économe et équilibrée des espaces, des déplacements et des ressources).

En 2010, la loi ENE (loi portant Engagement National pour l’Environnement) fait suite au Grenelle II de l’environnement. Cette loi intègre la prise en compte du changement climatique, elle met l’accent sur la préservation de la biodiversité et des continuités écologiques, des terres agricoles, naturelles et forestières. Elle renforce et précise les modalités d’application d’une gestion économe de l’espace en demandant aux documents d’urbanisme d’effectuer une analyse de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers et de fixer des objectifs de modération et de lutte contre l’étalement urbain.

En 2014, la loi ALUR (pour l’Accès au Logement et l’Urbanisme Rénové) supprime les COS (coefficients d’occupation des sols) et les superficies minimales, rend caduque  les POS, et renforce à nouveau la notion de modération de la consommation d’espace en fixant la période de référence à 10 ans pour analyser la consommation des espaces, en demandant d’identifier les capacités de densification et de mutation des espaces et en précisant que les objectifs de modération et de lutte contre l’étalement urbain doivent être chiffrés. Pour accroître la maîtrise de l’étalement urbain et inciter plus fortement à l’élaboration de SCoT, la loi ALUR renforce également le principe d’urbanisation limitée en cas d’absence de SCoT.

Le principe de l’urbanisation limitée consiste à interdire l’extension de l’urbanisation dans le cadre de toute élaboration ou évolution d’un document d’urbanisme d’une commune non couverte par un SCoT. L’article L 142-5 du code de l’urbanisme prévoit toutefois un régime d’exception permettant de déroger à ce principe par décision de l’autorité préfectorale après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (voir fiche jointe sur les conditions de saisine de la CDPENAF).

En 2021 la loi Climat et Résilience fixe un objectif d’absence de toute artificialisation nette à l’horizon 2050. Avec, dans un 1er temps, la réduction de moitié de l’artificialisation nette pour 2021/2031 par rapport à 2011/2021. Pour atteindre cet objectif des échéances sont fixées et des sanctions sévères sont prévues si les délais ne sont pas respectés !


Objectifs à atteindre :

  • pour les SRADDET la procédure d’évolution doit être engagée avant le 22 août 2023 et doit avoir abouti avant le 22 août 2024
  • pour les SCoT, les nouveaux objectifs du SRADDET avant le 22 août 2026 si le SRADDET n’a pas été corrigé pour le 22 août 2024 c’est l’objectif légal qu’il faut intégrer au SCoT.
  • pour les PLU (en présence d’un SCoT) la procédure d’évolution doit être faite avant le 22 août 2027 (sachant qu’ils n’ont de toutes façons qu’1 an pour être mis en compatibilité avec le SCoT si celui-ci est corrigé avant le 22 août 2026…).

Sanctions » prévues si les délais ne sont pas respectés :

  • si le SCoT n’est pas corrigé avant le 22 août 2026, il ne pourra plus y avoir d’ouverture à l’urbanisation dans les PLU, cartes communales et même dans les communes en RNU.
  • si le PLU n’est pas corrigé avant le 22 août 2027, il ne sera plus possible de délivrer des autorisations d’urbanisme dans les zones AU.



CONSÉQUENCES JURIDIQUES EN TERMES D’URBANISME D’UN RETRAIT DU SCOT

Demain si l’agglomération Gap-Tallard-Durance se retire du SCoT*, ce dernier ne s’appliquera plus sur son territoire, les principes définis dans le SRADDET (schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire) s’appliqueront “sans le filtre du SCoT”. En effet aujourd’hui le SCoT est “un parapluie” pour les communes de l’aire gapençaise. Ce dernier a été approuvé en 2013, tant qu’il n’est pas révisé et donc mis en adéquation avec les lois parues depuis 2013, “il protège” les communes de son périmètre des lois parues depuis 2013 et du SRADDET adopté en 2019.

Le filtre du SCoT permet d’une part de temporiser la mise en compatibilité des PLU avec les attentes fortes de modération de la consommation de l’espace (=réduction des surfaces constructibles) et d’autre part de rééquilibrer localement les grands principes d’urbanisation définis à l’échelle régionale. 

A noter que le retrait de la ville centre rendrait le SCoT obsolète en matière de recherche d’équilibre dans l’aménagement du territoire (discontinuité du territoire).

Plus spécifiquement, dès la sortie du SCoT le principe d’urbanisation limitée évoqué ci-avant s’appliquera sur le territoire de l’agglomération. Certes l’article L 142-5 du code de l’urbanisme prévoit un régime d’exception sur décision de l’autorité préfectorale après avis de la CDPENAF (Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers) mais cette dérogation ne pourra être accordée que si l’urbanisation envisagée :

  • ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état
  • des continuités écologiques
  • ne conduit pas à une consommation excessive de l’espace
  • ne génère pas d’impact excessif sur les flux de déplacements
  • ne nuit pas à une répartition équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services

Ces conditions sont cumulatives.

A noter : les évolutions des SCoT et PLU pourront se faire par « modification simplifiée », autrement dit, sans enquête publique ! Y compris, comme ce sera très probablement le cas, s’il faut classer des zones U (urbanisées) ou AU (à urbaniser) non bâties en zones A (agricoles) ou N (naturelle) pour réduire les possibilités d’artificialisation des sols…

CONSÉQUENCES OPÉRATIONNELLES EN TERMES D’URBANISME D’UN RETRAIT DU SCoT

Le SCoT approuvé en 2013 définit des objectifs à l’horizon 2032 (durée d’un SCoT : 18 ans).

Ces objectifs aboutissent, entre autres, à une enveloppe de surface constructible à destination d’habitation : de 266 ha à 355 ha pour l’agglomération dont 190 à 255 ha pour la ville de Gap. Cette enveloppe de surface constructible est définie et argumentée par le SCoT de l’Aire Gapençaise. Elle permet à chacune des communes de l’agglomération d’en bénéficier. Si demain, l’agglomération sort du SCoT, le filtre de ce dernier sera enlevé lors de l’instruction des PLU des différentes communes de l’agglomération. Les objectifs et les règles du SRADDET s’appliqueront directement, sans la nuance ou le rééquilibrage que peut apporter un SCoT. 

Lorsque l’agglomération fera son SCoT, elle devra répondre à l’objectif de diminution de 50 % du rythme de la consommation d’espaces agricoles, naturels et forestiers agricoles. Le rythme étant mesuré au regard du rythme constaté sur les dix dernières années. Or, au cours des 10 dernières années, 130 hectares ont été urbanisés à destination d’habitations sur le territoire de l’agglomération (63 ha sur Gap, 67 ha sur les autres communes). Le futur SCoT de l’agglomération devra donc être travaillé avec une enveloppe de 65 ha pour l’ensemble du territoire soit une diminution par 5 des surfaces constructibles.

Du fait de la récente loi Climat et résilience, cette obligation de réduction de moitié de l’artificialisation des sols s’appliquera très prochainement sur notre territoire, peu importe que l’agglomération Gap Tallard Durance reste ou non dans le SCoT de l’Aire Gapençaise.

Force est de constater, qu’en 2013, l’actuel SCoT a su défendre un dynamisme de notre territoire et une pertinence de développement à l’échelle d’un large bassin de vie se traduisant in fine par une enveloppe de surface constructible à destination d’habitation conséquente voire surdimensionnée (cf ci-après « pour aller plus loin »). L’agglomération a-t-elle bien mesuré les différentes conséquences de la sortie d’un périmètre un large bassin de vie ? 

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* Le SCoT de l’aire Gapençaise date de 2013, il est porté par un syndicat mixte composé des 83 élus titulaires  (1 représentant par commune et 6 représentants pour la commune de Gap). Ces 83 élus représentent chacune des 4 intercommunalités membres : Communauté d’agglomération Gap-Tallard-Durance (22 délégués), Communautés de communes Champsaur-Valgaudemar (25 délégués), Buëch-Dévoluy (20 délégués), Serre-Ponçon-Val d’Avance (16 délégués).

Pour aller encore plus loin …

Une prévision démographique soutenue pour Gap de part son statut de ville centre de l’Aire Gapençaise

A l’échelle de l’agglomération, l’objectif de production de logements pour 2032 est situé entre 5980 et 8005 pour l’ensemble de l’agglomération dont une fourchette de 4770 à 6390 logements pour la ville de Gap.

Ces objectifs de production de logements sont conséquents. A titre d’exemple en 2012, Gap compte 40 716 habitants et 21 594 logements (dont 19048 résidences principales soit un peu plus de 2 personnes par logement). En prévoyant une augmentation de 4770 à 6390 logements, le SCoT prévoit pour la commune de Gap une augmentation de 9540 à 12780 habitants (entre 530 et 710 nouveaux habitants par an). Il s’agit d’une augmentation au-dessus des taux d’accroissements de la population que la ville a pu connaitre depuis 30 ans. Le taux de variation annuelle moyenne de la population est estimé dans les objectifs du SCoT entre 1,1%  à 1,4%. 

L’INSEE annonce 40559 habitants pour Gap en 2018 alors que suivant les objectifs du SCoT, la ville devrait déjà compter entre 43 000 et 44 250 habitants ! Le chiffre de 42 000 habitants régulièrement avancé reste en dessous des prévisions annoncées.

Les prévisions démographiques portées par le SCoT ont permis à la ville de Gap de bénéficier d’une projection dynamique justifiée par son rôle de ville centre d’un large bassin de vie. Si demain, Gap sort du SCoT de l’Aire Gapençaise, la ville ne pourra plus dans ces justifications s’appuyer sur ce large bassin de vie, le périmètre et indirectement les possibilités d’actions seront réduites.

Une démographie « boostée » induisant une enveloppe constructible « gonflée » par le SCoT puis « sur calibrée » par le PLU de Gap

Le SCoT, pour répondre aux enjeux de modération de la consommation de l’espace, définit les objectifs de densité attendus : 15 logements à l’hectare pour les villages, bourgs locaux et bourgs relais, 20 logements à l’hectare pour les bourgs principaux et 25 logements à l’hectare pour la ville centre.

Les objectifs de production de logements croisés avec les objectifs de densité permettent de calibrer l’enveloppe de surface constructible que les documents d’urbanisme de chaque commune peuvent prétendre ouvrir à l’urbanisation : objectifs de logements/densité attendue = enveloppe constructible.

Ainsi, suivant les orientations et les objectifs du SCoT, en 2013, pour la ville centre, l’enveloppe de surface constructible à destination d’habitation est de 190 à 255 ha. A l’échelle de l’agglomération, l’enveloppe est de 266 ha à 355 ha.

Or le 2 février 2018, la ville de Gap approuve son PLU. Un PLU qui ouvre 414 hectares à l’urbanisation soit 60% de plus que ce prévoyait le SCoT. Par un jeu de coefficients et de justifications (statut de ville centre d’un large bassin de vie, prise en compte de la rétention foncière, complexité d’urbanisation, surface nécessaire à la viabilisation), la ville de Gap ramène les 414 ha bruts à 224 ha net. Cette méthode permet de rendre le PLU de Gap compatible avec le SCoT de l’Aire Gapençaise dans une dynamique de construction très importante.

Extrait du rapport de présentation du PLU de Gap.

En effet, cette méthode acte d’un rythme de construction et donc de consommation de l’espace de 14 ha/an avec la production de 355 logements par an. Or selon l’observatoire de l’artificialisation des sols du Cerema, au cours des 10 dernières années, à Gap l’habitat a consommé seulement 63 hectares soit 6,3 ha/an.

Les prévisions démographiques portées par le SCoT et retranscrites en surfaces constructibles dans le PLU de Gap sont nettement plus important que les dynamiques réellement constatées. Cet écart est aujourd’hui permis, toléré par la ville de Gap au regard de son rôle de ville centre d’un large bassin de vie. Si demain, Gap sort du SCoT de l’Aire Gapençaise, la ville ne pourra plus dans ces justifications s’appuyer sur ce large bassin de vie. L’agglomération a-t-elle bien mesuré les différentes conséquences de la sortie d’un périmètre intégrant large bassin de vie ?

Ambitions pour Gap – décembre 2021